
Se poser de temps en temps, prendre le temps de se souvenir d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va, sans nostalgie, mais avec tendresse, c’est ce qu’a demandé Lamia Bousnina Ben Ayed à un collectif d’artistes.
La Presse — Tout va vite. Très vite. Dans la vie, dans notre quotidien, dans nos rapports avec les autres de plus en plus réduits à des messages sur un écran. Mais aussi dans le monde de l’art. Le temps de la patience, celui qui donnait au temps le temps, celui de la maturation, de la réflexion s’emballe et nous emballe.
On entre de plain-pied dans de nouvelles approches, de nouvelles techniques et technologies, dans l’ère du digital, du virtuel… C’est passionnant, bien sûr. Mais se poser de temps en temps, prendre le temps de se souvenir d’où l’on vient pour mieux savoir où l’on va, sans nostalgie, mais avec tendresse, c’est ce qu’a demandé Lamia Bousnina Ben Ayed à un collectif d’artistes, dans sa galerie Musk and Amber.
Jeunes et moins jeunes ont adhéré au projet, et c’est «Tunis, je me souviens», une exposition pleine de poésie, de mémoire, de clins d’œil qu’elle nous offre, un album de photos désuètes que l’on a l’impression de feuilleter.
Feryel Lakhdhar revient au joli temps où, enfant, elle épiait les invitées de sa grand-mère venues prendre le thé, et nous restitue cette atmosphère délicatement compassée, le petit doigt en l’air et la tasse fumante et odorante.
Slimen El Kamel restitue ses jeux d’enfants insouciants dans une fresque joyeuse et animée, des cache-cache et des acrobaties dans les champs et des pique-niques champêtres.
Laeticia Scialla restitue la maison de son enfance à partir de la grille d’une fenêtre. Une fenêtre qui a laissé passer tant de messages, tant de regards, tant de chansons. Cette fenêtre miraculée sert de point d’orgue à une mise en scène, mise en situation : la banquette si inconfortable du temps où on ne s’affaissait pas dans des profondeurs de sofas, la boîte à ouvrage d’une grand-mère laborieuse qui avait toujours un ouvrage dans les mains. Et ce jasmin, luxe des plus démunis, qui embaumait les fins d’après-midis.
Ils étaient dix à jouer au jeu de «Tunis, je me souviens» proposé.
«C’est un pays intérieur qui s’ouvre alors, fait de lieux disparus, d’ambiances révolues, de musiques que l’on croyait à jamais silencieuses… Et si chaque mémoire est unique, morcelée, tissée de fils tantôt lumineux, tantôt assombris par l’oubli ou le regret, il est des instants, rarissimes et précieux, où ces mémoires individuelles, réunies par la grâce d’un regard artistique, peuvent, l’espace d’un instant suspendu, résonner ensemble comme les voix d’un chœur ancien, restituant… cette vérité plus profonde, plus fragile, qui est celle de l’émotion partagée», écrit Edia Lesage que nous avons plaisir à citer.
C’est cette émotion qu’a su éveiller chez ces artistes Lamia Ben Ayed